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Nom du blog :
ecrivonstoujours
Description du blog :
Textes écrits à domicile suite à l'envoi de propositions d'écriture par l'animateur Philippe D.
Catégorie :
Blog Enfants
Date de création :
21.03.2020
Dernière mise à jour :
24.03.2020

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- Soleil ! de retour à travers les barreaux - MP

- Soleil ! de retour à travers les barreaux - MP

Publié le 23/03/2020 à 21:50 par ecrivonstoujours
- Soleil ! de retour à travers les barreaux - MP

 

 

 

 

Indécent souvenir

 

 

 

 

Monique P.

 

 

 

"Soleil ! de retour à travers les barreaux." 

Cette courte phrase écrite sur mon ordinateur fait jaillir, comme une fulgurance, cette image enfouie au fond de ma mémoire : ma ville confinée, aux rues désertes, aux volets clos, aux vitrines cachées sous les rideaux de fer.

 

Nous sommes le 27 août 1944. L’armée allemande chassée de Pais traverse notre banlieue-est pour se diriger dans un flot ininterrompu Outre-Rhin. Sur des tanks les soldats, arme au poing, ont reçu l’ordre de tirer sur tout ce qui bouge. Alors tout s’est figé, rien ne bouge. Pareilles à des fantômes les maisons regardent passer les colonnes de chars. Seul bruit, celui des chaînes grinçant sur la chaussée, interrompu par le claquement des pavés cédant sous le poids des énormes machines.

 

Pourtant derrière ce qui semble être un décor de cinéma, la vie continue. Des nouvelles règles ont été affichées sur les murs de notre maison. 

 - Interdiction de s’approcher des fenêtres

 - Interdiction d’allumer les lumières

 - Interdiction de faire du bruit

 

Coincés avec nos parents, impossible pour mon frère, ma soeur et moi de les enfreindre, mais on n’allait pas rester inactifs pendant... on ne savait pas combien de jours. Une réunion à trois fut décidée au bas des escaliers.

 

- Les filles creusez-vous la cervelle pour trouver des idées. Mon frère notre aîné de 12 ans prit le premier la parole. 

- Laisse nous le temps de réfléchir ! répondit ma soeur de huit ans. Pas la peine de t’énerver !

Armée de mes six ans et de mon courage, debout sur la première marche pour être plus grande, je lançais : 

- On pourrait jouer à cache-cache; Il fait presque nuit. Ce sera plus drôle!

- Oui mais les chances sont inégales. Toi la petite tu peux te glisser dans un placard mais moi, je ne peux pas. Et puis je pense à autre chose. 

 

Un regard complice entre ma soeur et moi suivi d’un éclat de rire. 

- Oh alors si tu penses on t’écoute.

- Silence, je vous explique. On pourrait faire une salle de gym dans le couloir : mur du fond pour un concours de cochon pendu, tapis étendus par terre pour les exercices d’assouplissements, escaliers à grimper quatre à quatre.

Grand silence. 

 - Ca vous en bouche un coin les gamines. Je comprends mais décidez-vous ! Oui ou non êtes-vous d’accord ?

 

 

Un moment passe. Avec cérémonie ma soeur prend la parole. 

- On veut bien mais à une condition : les résultats ne seront pas les mêmes pour tous, et c’est moi qui les donnerai en fonction de l’âge.

- Oh là là, vous avez peur que je vous batte. Allons j’ai pitié de vous. C’est entendu pour les comptes, moi je me charge de l’organisation et des parents.

 

Soulagés, ceux-ci acceptèrent facilement notre projet qui, bien qu’envahissant, nous occuperait au moins dans la journée. Confinés dans le salon par les problèmes de “survie”, ils nous laissaient le champ libre. Plus de rappel à l’ordre, plus de réprimande, plus d’avertissement. Nous étions devenus des “conquérants”.

 

Au matin du cinquième jour un silence inquiétant enveloppa l’extérieur de la maison. Que se passait-il ? Réfugiés dans la cuisine, recroquevillés, serrés les uns contre les autres on attendait, on écoutait, on respirait à peine. Aucun signe de vie ne transpirait du dehors. Rien. Le bruit des chars était moins inquiétant que ce silence pesant, que ce rien qui persistait.

 

Lentement, avec d’infinies précautions mon père se dirigea vers une fenêtre. L’oreille aux aguets il osa ouvrir doucement la vitre et, d’un doigt, écarta le papier journal qui calfeutrait les interstices du volet. Rien, toujours rien. Seul un rayon de soleil était de retour. Alors il s’enhardit à dégager complètement la fenêtre. Oh, miracle la rue était vide. Un cri déchira tout l’espace.

 

- Libres, nous sommes libres!

 

Pour nous elle venait de s’envoler cette liberté “chérie”. Nous n’étions plus des “conquérants”, nous étions redevenus des enfants.

 

 

 

 

:: Les commentaires des internautes ::

Anonyme le 24/03/2020
Ah Monika tu en es à ton deuxième confinement ! joli ton texte Anne M.


Guichard le 26/03/2020
Très beau texte. On s'y croit. Félicitations.