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Nom du blog :
ecrivonstoujours
Description du blog :
Textes écrits à domicile suite à l'envoi de propositions d'écriture par l'animateur Philippe D.
Catégorie :
Blog Enfants
Date de création :
21.03.2020
Dernière mise à jour :
24.03.2020

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- Soleil ! de retour à travers les barreaux - AB

- Soleil ! de retour à travers les barreaux - AB

Publié le 23/03/2020 à 21:20 par ecrivonstoujours
- Soleil ! de retour à travers les barreaux - AB

 

 

 

Soleil !  de retour

à travers les barreaux

 

« Mort, où est ta victoire ? »

 

 

Anne B.

 

 

Le soleil matinal éclaire progressivement les rues de la ville et réchauffe tout doucement les pierres des immeubles alentour noircies par le temps. A travers les fentes étroites des volets de la cuisine, Nathan observe les ombres de la nuit qui s’effacent lentement en glissant le long des interstices creusés entre les pierres des murs pour aller, tout en bas, s’étioler en suivant les contours des pavés de la courette de l’immeuble et laisser la lumière réveiller les géraniums et les pétunias qui éclairent les fenêtres de la concierge. Il imagine que, de la même façon, d’ici une heure ou deux, les dernières traces de sommeil s’effaceront tout aussi lentement du visage tendre de Marie, ramenant à la vie les reflets lumineux et moqueurs de ses grands yeux sombres. Mais pour l’heure, il est le seul à être éveillé dans l’appartement. Les bruits extérieurs lui arrivent étouffés. Les voitures commencent lentement à circuler, un moteur ronfle quelque part dans la rue voisine, quelques avertisseurs résonnent au loin, annonçant sans ambiguïté la reprise des activités quotidiennes dans la capitale. Après avoir fait quelques pas pour dégourdir ses membres fatigués, Nathan retourne dans le salon où il vient de passer la nuit.

Là, adossé au montant de la fenêtre ouverte, tenant à la main une tasse à demi remplie d’un café fort et odorant qu’il hume avec plaisir, Nathan contemple les reflets changeants du soleil sculptant l’eau de la Seine en contrebas, les branches de quelques saules pleureurs qui s’animent doucement dans la douce brise matinale le long des quais, les tours blanches de Notre-Dame, là-bas, derrière l’Hôtel de Ville. Une brume légère flotte au-dessus du fleuve. La journée qui s’annonce va encore être très chaude… Il referme à l’espagnolette les vieilles persiennes en bois recouvertes de peinture écaillée. Certaines lattes sont brisées et sur le sol s’impriment des traces ensoleillées inégales, jeu mouvant d’ombre et de lumière.

Il aperçoit son reflet zébré dans le miroir de la vitre. Le visage qui lui est renvoyé montre les traits tirés d’une longue nuit sans sommeil. Ses petites lunettes cerclées d’une monture métallique posées négligemment sur son nez lui donnent un air lointain et absent et n’arrivent pas à masquer les cernes bruns qui creusent son regard. Le cheveu ras et noir, à peine parsemé de fils blancs, accentue un début d’empâtement au bas de son visage et autour de son cou massif. Ses lèvres charnues que souligne une barbe courte et déjà grisonnante dénoncent, elles, un appétit à vivre qui lui vaut bien souvent le regard intéressé des femmes.

Lentement, il fait tourner la tasse entre ses doigts. Son regard se perd dans le vague d’un lac sombre sans fond. La nouvelle reçue au début de la nuit l’a profondément ému. Il avait beau s’y être préparé depuis quelque temps déjà, elle a néanmoins résonné en lui de façon bouleversante et brutale. Est-on jamais prêt à entendre et accepter une telle nouvelle ?

– Maman est morte il y a une heure, lui avait annoncé Olivier, son fils.

Il était resté sans voix, assommé, ne sachant que répondre à cet enfant qui venait de perdre sa mère. Lou, sa première femme, venait de mourir, laissant un vide dans le cœur de ce fils qu’elle aimait passionnément, et lui, il avait raccroché si vite ! Il ne pouvait qu’imaginer la souffrance ou le désespoir d’un fils face à cet évènement dramatique. Le souvenir de cet appel lui embue de nouveau les yeux et le désarroi qui a traversé les ténèbres de sa nuit l’envahit de nouveau. Soulevant ses lunettes d’un doigt, il chasse rageusement le brouillard de larmes.

Toujours adossé à la fenêtre, à travers les ouïes des volets, Nathan contemple le ciel au-dessus de la Seine prendre rapidement des teintes plus soutenues et le jour devenir plus lumineux malgré l’heure encore matinale. La brume au-dessus de la Seine s’est dissipée. Il éprouve une profonde nostalgie et une grande lassitude après cette nuit passée à relire intérieurement le fil de sa vie. Ses mains moites se crispent autour de la tasse, vide à présent, qu’il tourne sans arrêt dans tous les sens.

Il pense à Lou étendue sans vie sur son lit, dormant d’un sommeil dont elle ne se réveillera pas, froide et seule. Elle ne sourira plus, ne peindra plus, ne dansera plus, ne chantera plus comme elle aimait le faire. Elle ne verra plus les fleurs et les couchers de soleil qu’elle aimait tant poser sur ses toiles. Les saisons et les années passeront maintenant sans elle. Il ne pourra plus jamais rien partager avec elle, pas même la haine.

Il pense à Marie, nue, endormie dans la chambre à côté, bien vivante, ses cheveux châtains en bataille sur l’oreiller, ses seins généreux écrasés sous le poids de son corps épanoui, le drap reposant légèrement sur ses jambes fuselées et dorées. Dans peu de temps, elle se réveillera et viendra le rejoindre, un long tee-shirt négligemment enfilé sur son corps encore engourdi de sommeil. Après l’avoir tendrement embrassé, elle posera sa tête dans le creux de son épaule. Lou l’absente, Marie la vivante…

Dans le bleu du ciel, traîne encore un peu du rose et du blanc de l’aurore.

Nathan prend un magazine qui traîne sur la desserte, feuillette les pages sans rien en lire, le repose, fait quelques pas, s’arrête et retourne vers la fenêtre dont il ferme les battants. La ville est maintenant réveillée et les bruits sont plus intenses, les odeurs plus fortes et l’air déjà brûlant.

Il fait quelques pas dans le couloir vers la chambre où Marie dort encore, s’arrête un instant, la regarde dormir et s’en retourne.

Un rayon de soleil se frayant un chemin à travers les lattes en bois des volets fermés caresse le pied du lit de Marie puis remonte lentement jusqu’à son visage endormi. Ses cheveux châtain épars sur l’oreiller lui font un rempart contre l’agressivité de la lumière déjà trop vive en ce matin de fin juillet, mais un rai plus insistant que les autres parvient à s’insinuer entre deux mèches aux reflets dorés et vient chatouiller ses paupières closes. Marie entrouvre les yeux, se retourne dans le lit et d’une main tâtonnante, cherche la présence de Nathan à ses côtés. La place est vide et froide. Elle repousse le drap fleuri qui lui recouvre les pieds et s’étire doucement, nue, en regardant les grains de poussière danser en virevoltant dans la lumière du soleil.

Elle paresse avec délice encore quelques minutes pour finir de se réveiller, pose un pied sur le kilim et attrape le tee-shirt blanc trop grand pour elle, agrémenté d’un dessin enfantin, cadeau de fête des mères de son fils aîné lorsqu’il était en maternelle et qui traîne sur la chaise près de la table de nuit. Elle l’enfile négligemment. Pieds nus, elle traverse la chambre et se dirige vers le salon. Ses cheveux ébouriffés tombent en mèches indociles devant ses yeux. D’un geste de la main, elle les balaye vers l’arrière, dégageant un grand front bombé. Nathan est là, le visage ravagé, qui lui ouvre les bras. Elle vient s’y pelotonner, quêtant un baiser dans le cou. Il a la peau si chaude, les mains si caressantes, les lèvres si tendres ! Elle se sent fondre lorsqu’il la tient ainsi serrée contre lui. Mais là, dans l’ombre de la pièce, il semble saisi par un froid intérieur. Alors, il lui raconte sa nuit de veille, veillée funèbre pour la mère de ses enfants.

Le soleil trace des rayures mouvantes de plus en plus vives sur le tapis. La chaleur étouffante de la ville envahit déjà l’appartement malgré les fenêtres restées ouvertes durant la nuit dans l’espoir de laisser entrer un semblant de fraîcheur dans les pièces, et maintenant refermées.

Marie prend la main de Nathan, l’entraîne doucement vers leur chambre, l’attire sur le lit. Bientôt, les caresses de Marie ramènent doucement Nathan vers la vie alors que sur leur peau déjà halée, sur leurs corps enlacés, le soleil dessine un subtil tableau vivant d’ombres et de lumières.

 

 

:: Les commentaires des internautes ::

Anonyme le 24/03/2020
texte très émouvant